Au-delà des mots
Dans les entreprises familiales, l’adjectif n’est pas anodin car la gestion du quotidien est forcément empreinte d’affect. Quand est envisagée la transmission, celui-ci prend souvent le dessus. Chez ING, les équipes sont rompues à cet exercice, tout en l’encadrant conjointement, au cas par cas. Entretien avec Michaël Roth, Senior Wealth Structuring Manager, et Marc Geib, Head of Business Banking, chez ING Luxembourg.
Quels sont les challenges et réflexions auxquels les entreprises familiales doivent faire face dans un contexte de transmission?
Il faut garder à l’esprit que la survie des entreprises familiales n’est pas toujours assurée : 1/3 des dirigeants européens vont partir à la retraite dans la décennie à venir ; au Luxembourg 70 % des PME sont des entreprises familiales. Rappelons qu’il convient d’anticiper un processus de transmission 2 à 5 ans à l’avance. C’est long et court à la fois. Que se passe-t-il lorsque la préparation n’est pas un facteur suffisant ? Il existe d’autres méthodes(1), par exemple, positionner l’entreprise familiale sur 3 axes : l’actionnariat (qui est-il ? Quid de la NextGen, de tiers ?), la gouvernance (quel rôle a la famille dans l’entreprise ? Est-elle dirigée par une personne, plusieurs ? Quelle évolution ?) et l’investissement de l’entreprise (mono-secteur ? Diversifiée ?)… Une fois les réponses débattues entres les actionnaires actuels ou avec leurs enfants, les dirigeants…, nous identifions grâce à cette méthode les épreuves et challenges à relever, la finalité étant de concevoir un projet pour l’entreprise familiale intégrant la transmission, en prenant en compte le rationnel des décisions d’entreprise et l’émotionnel des décisions familiales.
Quel rôle joue la banque dans le processus de cession d’entreprise?
ING est une banque qui accompagne et finance de nombreuses PME locales et internationales ainsi que leurs dirigeants. Durant le processus de transmission, l’équipe Entreprises d’ING reste un partenaire de choix en matière de préparation du financement. Au moment d’une transaction, nous apportons, par exemple, les garanties à première demande à fournir au futur acquéreur. L’après-transmission aussi se prépare en amont, nous conseillons les dirigeants/ actionnaires sur la transmission de leur patrimoine, la mise en place de revenus complémentaires, le financement de nouveaux projets, et de plus en plus, des projets de vie. Certains dirigeants d’entreprise souhaitant céder, s’organisent de plus en plus jeunes et veulent profiter. D’autres s’organisent en famille, dans ce cas le financement bancaire est souvent plus patrimonial et familial. Les différents outils luxembourgeois permettant la dissociation du pouvoir et du capital seront nécessaires dans certaines familles, voire l’entrée d’un fonds d’investissement.
Nos collègues d’ING Belgique ont même développé avec leurs chefs d’entreprise une approche à 360 degrés dédiée au tissu local, que nous reprenons.
La crise COVID-19 a-t-elle un impact sur les projets des entreprises familiales ?
Il est trop tôt pour faire un constat, mais au regard des crises précédentes, on sait que les entreprises familiales résistent généralement mieux, cherchant d’abord la pérennité, puis la rentabilité et enfin la croissance. La crise que nous traversons n’épargne pas certains secteurs, dans lesquels il y a de nombreuses entreprises familiales ; c’est aussi une opportunité de se transformer. Ce que nous constatons sur le volet privé, c’est que le confinement a permis de rapprocher le cercle familial et de soulever les bonnes questions, d’initier des processus de donation parfois (l’axe de actionnariat), nous espérons qu’il est aussi l’occasion d’identifier en famille les challenges relatifs à la gouvernance, au mode de communication, à l’anticipation de la disparition prématurée du dirigeant. Reste maintenant à les formaliser, nos chargés de relation entreprise et nos banquiers privés sont à leur écoute…
Propos recueillis par Isabelle Couset
(1) Extrait du livre Erfolgsmodell Familienunternehmen de Peter May, 2012.